APPRENDRE ENSEMBLE À VIVRE AVEC LE DIABÈTE DE TYPE 1

La vie chez un couple de Sussex, 60 ans après un diagnostic de diabète

Quand Tony Dunn a reçu du Joslin Diabetes Centre de Boston une médaille pour souligner le fait qu’il vivait depuis 50 ans avec le diabète, il avait déjà dépassé son espérance de vie depuis belle lurette.

Peu de temps après sa remise de diplôme du secondaire, en 1960, le jeune homme, alors âgé de 17 ans, a reçu un diagnostic de diabète de type 1 et son médecin lui a dit qu’il serait chanceux s’il atteignait l’âge de 40 ou 50 ans.

Tony a déjoué les pronostics.

Il est maintenant âgé de 78 ans et mord dans la vie. Lui et son épouse, Phyllis, qui ont uni leurs destinées il y a 57 ans, peuvent maintenant se féliciter du fait que Tony ait réussi non pas à vivre avec la maladie, mais bien à vivre pleinement.

Photo de Tony Dunn

Cette réussite est attribuable à la diligence du couple dans les habitudes de vie et de santé de Tony, ainsi qu’à l’éducation et au soutien qu’ils ont reçu de plusieurs établissements d’Horizon.

UN AVENIR UNCERTAIN

Novembre était le Mois de la sensibilisation au diabète. Le diabète est l’une des maladies qui affectent le plus de Canadiens : on estime qu’au pays, deux millions de personnes en sont atteintes.

Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune inévitable dans laquelle le pancréas arrête de produire de l’insuline. Ce type de diabète touche quelque 300 000 Canadiens de tous âges et peut entraîner de nombreuses complications, comme un AVC, des dommages aux nerfs, aux reins ou aux yeux, ou même des maladies cardiaques.

« J’ai reçu mon diagnostic de diabète à 17 ans. Je me suis demandé quelle sorte de vie j’allais avoir, étant donné que deux de mes cousins avaient aussi le diabète de type 1 et qu’ils étaient en piteux état », explique Tony. « Je me rappelle qu’on m’a montré comment administrer mon insuline NPH à l’aide d’une seringue de verre munie d’une aiguille en fer. On m’a aussi dit d’éviter les sucreries, de manger trois repas par jour et une collation au coucher, et de m’attendre à ce que mon espérance de vie ne dépasse pas la quarantaine ou la cinquantaine, tout au plus. »

Dernier-né d’une famille de 16 enfants, Tony a grandi sur une ferme à Wards Creek, au Nouveau-Brunswick, un petit hameau situé près de Sussex. En 1963, Tony a rencontré Phyllis, qui allait bientôt obtenir son diplôme de l’École des infirmières de L’Hôpital de Moncton et qu’il allait épouser plus tard la même année.

« Le traitement que suivait Tony à nos débuts était très élémentaire, mais je lui faisais de part de tous les renseignements que je trouvais et je m’assurais que nous mangions bien à la maison », relate Phyllis. « Il se débrouillait bien et nous avons de notre mieux pour maintenir son taux de sucre à un niveau sain. »

Heureusement pour eux, les 50 dernières années ont apporté des changements considérables dans les ressources éducatives et les outils offerts en matière de diabète. Durant les années 1970 et 1980, on a vu apparaître les lecteurs de glucose (taux de sucre dans le sang), les bandelettes pour mesurer le glucose, la pompe à insuline, et les professionnels des soins de santé en ont appris davantage sur la complexité de la maladie et sur les traitements qui fonctionnaient le mieux dans le temps.

« Je me rappelle encore d’être arrivée à la maison avec le premier glucomètre à domicile, en 1980 », se remémore Phyllis avec joie. « C’était une véritable révolution et Tony était discipliné quant à son utilisation ».

Tony et Phyllis sont allés vivre en Ontario pendant quelques années, puis ils sont revenus au Nouveau-Brunswick en 1975. La même année, Tony a bâti une maison sur la terre où il a grandi et ils y ont élevé leurs quatre enfants, David Jr, Dennis, Jason et Alaina.

En 1977, Tony a commencé à travailler comme conducteur d’équipement lourd chez PCA Potash et il y est demeuré jusqu’à sa retraite, en 2002.

« Il n’a jamais manqué une journée de travail », souligne fièrement Phyllis. « Il a joué au hockey et fait tout ce qu’il voulait, parce qu’il écoutait les consignes et faisait attention pour rester en santé. »

AIDER SON MARI

Phyllis ne rate jamais une occasion de louanger Tony pour sa diligence quant à la gestion de son diabète. L’enthousiasme de celle-ci quand elle parle de la réussite de son mari témoigne de l’amour profond et des bons soins dont elle l’a entouré depuis près de 60 ans.

« J’ai donné à Tony l’information nécessaire pour qu’il puisse gérer le mieux possible son diabète. Il m’a écoutée et je crois que c’est ce qui l’a gardé en si bonne santé aussi longtemps », explique-t-elle.

« Deux de mes cousins ont reçu un diagnostic  à peu près à la même période que moi, mais ils n’ont pas écouté les conseils et malheureusement, ils sont décédés quand ils avaient une quarantaine d’années», d’ajouter Tony.

Prenant appui sur sa formation d’infirmière, Phyllis a réalisé un grand rêve qu’elle chérissait : obtenir un grade universitaire, ce qu’elle a accompli en 1992 en décrochant un baccalauréat en sciences infirmières de l’Université de Moncton. Au moment de prendre sa retraite, en 2000, Phyllis était gestionnaire de la clinique de diabète au Centre de santé de Sussex du Réseau de santé Horizon, où elle a joué un grand rôle dans la mise sur pied de la clinique et de sa réussite subséquente.

« Quand j’ai commencé à y travailler, je n’avais que quelques clients, mais après un certain temps, j’ai eu besoin d’un bras droit », souligne-t-elle.

DES TEMPS DIFFICILES

Malgré les efforts de Tony au quotidien, il fait quand même face à des défis associés à son diabète.

Il a dû subir un pontage à l’artère fémorale en 2015 en raison de problèmes de circulation à sa jambe gauche et en 2018, il a subi six interventions de pontage cardiaque et un remplacement de la valve aortique au Centre cardiaque du Nouveau-Brunswick du Réseau de santé Horizon, un programme provincial situé à Saint John.

« J’avais des douleurs à la poitrine et on m’a traité pour une insuffisance cardiaque congestive », précise Tony. « Après ma chirurgie, j’ai passé 38 jours hospitalisé et on m’a donné des directives strictes. »

Selon Phyllis, Tony n’en était pas découragé pour autant et a même surpris son médecin avec l’étendue de ses connaissances quant aux mesures à prendre et à quel moment les prendre.

« Il a parlé à son médecin pendant environ une heure, et ce dernier a tout de suite vu que Tony avait les connaissances nécessaires. Il savait ce qu’il faisait quand il manipulait la pompe, au point où son médecin n’avait jamais vu quelqu’un s’en servir aussi bien. »

« Ça m’a pris un certain temps à me remettre sur pied, mais j’ai fait tout ce qu’il fallait et ça s’est bien passé », d’ajouter Tony.

« Les mots me manquent pour décrire mon appréciation du Centre cardiaque », poursuit Phyllis. « Les soins que Tony y a reçus étaient tout simplement formidables. »

PROCHAIN OBJECTIF : LE CERTIFICAT SOULIGNANT LES 60 ANS DE VIE AVEC LE DIABETE

Presque trois ans plus tard, Tony fait toujours ce qui lui est demandé, y compris se faire examiner toutes les six semaines au Centre cardiaque du Nouveau-Brunswick pour faire le bilan de sa santé. Il surveille sa santé et fait de l’activité physique tout en s’assurant de bien manger et de se reposer suffisamment. Il parvient également à trouver le temps pour travailler sur son tracteur, passer du temps avec ses 13 petits-enfants et retrouver des amis, même si ce n’est que pour prendre un café.

« Je me sens très bien pour un homme de 78 ans », souligne Tony. « Pas un seul jour ne passe sans que je n’aie un petit projet à faire. »

Le prochain objectif des Dunn : l’obtention du certificat du Joslin Centre remis aux patients qui se rendent à 60 ans de vie avec le diabète.

« Nous avons été très impressionnés par ce que nous avons vu au centre en 2010 », explique Phyllis. « Il n’y avait que cinq autres Canadiens à l’événement et nous étions les seules personnes des Maritimes présentes. C’était très spécial. »

Le Joslin Diabetes Centre est le plus grand centre de recherche, de soins et d’éducation sur le diabète au monde. Le programme des médaillés y a débuté en 1948, quand on a commencé à remettre des médailles aux personnes qui vivaient avec le diabète depuis au moins 25 ans. Avec les temps, la population diabétique s’est mise à vivre plus longtemps. Le centre a donc ajouté une médaille à son programme, soit une médaille de bronze pour les personnes qui réussissaient à vivre 50 ans avec le diabète. Le programme est le reflet de la vision de son fondateur, le Dr Elliott P. Joslin, qui pensait qu’une bonne autogestion du diabète était la clé pour minimiser les complications à long terme de la maladie. Le programme est devenu une source d’inspiration pour tous ceux et celles qui se consacrent aux soins du diabète, malgré les difficultés qui y sont liées.

Cette vision a vraiment trouvé écho chez les Dunn et correspond à l’approche qu’ils ont adoptée au fil des ans pour gérer le diabète de Tony avec le soutien du Centre d’éducation sur le diabète de l’Hôpital régional de Saint John (HRSJ) du Réseau de santé Horizon.

Les centres d’éducations sur le diabète d’Horizon aident les personnes diabétiques et prédiabétiques en leur fournissant du soutien pour se fixer des objectifs en matière de mieux-être. Les infirmières, les diététistes, les pharmaciens et les autres fournisseurs de soins de santé sont là pour aider la population dans la gestion du diabète en fournissant du soutien et de l’éducation sous forme de séances d’éducation en groupe ou individualisées.

« Depuis de nombreuses années, le Centre d’éducation sur le diabète a été à l’avant-plan de la réussite de Tony grâce à tout le soutien qui lui a été fourni en matière d’autogestion », souligne Karla Price, une infirmière immatriculée qui est gestionnaire de l’éducation sur le diabète dans les cliniques de traitement ambulatoire à l’HRSJ et à l’Hôpital St. Joseph d’Horizon.

« Nous savons que les tâches incessantes qui permettent de bien vivre avec le diabète reposent sur les épaules du patient. Jusqu’à présent, notre équipe de spécialistes hautement qualifiés formée d’endocrinologues, d’infirmières et de diététistes a joué un grand rôle pour aider Tony et son épouse à trouver des outils et des traitements innovateurs. L’équipe a été là pour eux dans les bons moments comme dans les passes plus difficiles. »

« Ça fait maintenant 60 ans que je vis avec le diabète. Tous les jours, à tout moment, je dois m’assurer de manger les bons aliments, de me reposer suffisamment et de faire de l’exercice, tout en veillant à ce que ma pompe à insuline me fournisse la bonne dose d’insuline pour bien aller », précise Tony.

« Disons que notre mariage a beaucoup porté sur les niveaux de glucose », répond Phyllis en pouffant de rire.

C’est avec cette ferme résolution, le soutien attentionné de son épouse et leur humour de couple que Tony a déjoué tous les pronostics et réussi à vivre bien plus longtemps que les prévisions qu’on lui avait faites jadis.

« Je suis la preuve vivante qu’on peut quand même mener une belle vie même si l’on a le diabète », dit-il fièrement. « C’est quand on abandonne que ça devient plus difficile. »