LA TECHNOLOGIE À LA RESCOUSSE

Les visites aux patients aux temps du coronavirus

Une photo montrant une visite virtuelle

Jusqu’à tout récemment, Beverly George, que tout le monde surnomme Bev, recevait quotidiennement la visite de l’une de ses quatre filles et de ses nombreux petits enfants habitant dans la région de Fredericton. Elle recevait aussi régulièrement des appels de son fils aîné, Andy, qui habite à Halifax. Le 16 mars dernier, les visites ont dû prendre fin en raison de la mise en place de restrictions relatives aux visites.

Bev a été hospitalisée à l’Hôpital régional Dr Everett Chalmers (HRDEC) la veille de Noël. Elle a ensuite été admise à l’aile 4E, soit l’unité où le programme Vieillissement en santé et Réadaptation est offert, en attendant un placement dans un foyer de soins de longue durée.

Originaire du comté de Charlotte, Beverly Henry a déménagé à Fredericton après son secondaire, en 1955, pour faire ses études au New Brunswick Teachers’ College. Elle a habité sur la rue Aberdeen et dans ses temps libres, elle rendait visite à une amie qui louait un appartement au centre-ville, sur la rue Queen, au troisième étage du magasin de vêtements G.E. George.

C’est au deuxième étage de cet immeuble à appartements que George E. George, un immigrant libanais, et sa femme Isabel ont élevé leurs sept enfants. C’est également dans cet immeuble que l’amie de Bev a présenté cette dernière à Joey, l’un des sept enfants du couple, qui aidait ses parents à tenir le magasin au rez-de-chaussée.

ÉPOUSE D’UNE ÉTOILE DU FOOTBALL

Lorsqu’il n’était pas en train de s’occuper du magasin de ses parents, Joey, un athlète de renom, était membre des équipes universitaires de football de l’Université du Nouveau-Brunswick (UNB) et de l’Université St. Thomas (STU).

Comme centre-arrière, Joey a mené l’équipe de STU à trois championnats de football du Nouveau-Brunswick de 1952 à 1954. Il a aussi mené l’équipe de l’UNB à la conquête du Union Championship en 1955 et a été sélectionné au sein de l’équipe étoile en 1953 et en 1955. C’est vers la fin de sa carrière de footballeur que Joey a rencontré Bev. Cette dernière assistait souvent aux matchs de son compagnon durant la dernière année de football de celui-ci. 

Peu de temps après, les familles George et Henry se sont réunies pour célébrer le mariage de nos tourtereaux, qui sont ensuite déménagés dans une maison du côté Nord de Fredericton où ils y ont élevé cinq enfants. Depuis, leur famille n’a cessé de s’agrandir. Elle compte maintenant 14 petits-enfants et neuf arrières-petits-enfants.

Joey est décédé en 2013 à l’âge de 82 ans.

La famille est très importante pour Bev. Les visites régulières qu’elle recevait au début de son hospitalisation l’ont aidée à se sentir plus à l’aise dans son nouvel environnement et mettaient du soleil dans ses journées.

LA SOLITUDE, AUSSI DANGEREUSE QUE LA CIGARETTE

Les gériatres et les fournisseurs de soins s’entendent pour dire que l’isolement social et la solitude peuvent avoir une incidence négative sur la santé mentale et physique des personnes âgées.

« Nous savons que la solitude augmente le risque de développer une panoplie de problèmes de santé chez les aînés. Le risque est encore plus grand quand les personnes sont âgées de plus de 80 ans, qu’elles ont des troubles cognitifs ou que leur santé est déjà compromise », souligne le Dr Patrick Feltmate, gériatre pour le Programme Vieillir en santé, à Fredericton. « Les études montrent que la solitude présente des risques négatifs pour la santé comparables à fumer 15 cigarettes par jour. Il est donc impératif que les mesures « anti-solitude » soient aussi importantes que les mesures antitabac. »

Peu de temps après la mise en place des restrictions relatives aux visites aux patients en raison de la pandémie, les récréothérapeutes ont cherché à minimiser les effets de l’arrêt des visites sur les patients.

Une photo montrant une visite virtuelle

VISITES VIRTUELLES ET iPAD

Janet Crealock, récréothérapeute à l’HRDEC, a demandé à ses collègues de l’aider à trouver des idées afin de combler l’écart de réseautage social qui s’est créé tout d’un coup.

L’hôpital disposait de quelques iPad et a pu en acquérir plusieurs autres grâce à un don généreux de la Fondation Chalmers. Janet a donc pu organiser des visites à l’aide des applications FaceTime et Messenger permettant aux patients de voir leurs proches.

« J’ai lancé l’initiative ici, à l’HRDEC. Nous avons commencé par communiquer avec les membres des familles pour leur demander s’ils avaient la technologie nécessaire à la maison pour recevoir un appel vidéo de leur proche hospitalisé, puisqu’ils ne peuvent pas se voir », explique Janet. « Jusqu’à maintenant, ces visites virtuelles ont fait le bonheur de tous les participants. »

Janet a communiqué avec quelque 60 familles depuis le début de la mise en place des restrictions. Du mardi au jeudi, les patients de l’aile 4E peuvent réserver un iPad pour effectuer un appel vidéo personnel, tandis que les lundis et les vendredis sont encore réservés aux consultations individuelles avec les patients.

Bev est reconnaissante envers les membres du personnel d’avoir eu l’idée d’utiliser la technologie pour lui permettre de voir sa famille, ne serait-ce que sur écran.

« C’est formidable de pouvoir voir ma famille », dit-elle. « Je me sens beaucoup mieux maintenant. Peu importe leur âge, nos enfants restent nos enfants. Je n’étais pas habituée à être privée d’eux et je me réjouis beaucoup de pouvoir les voir à nouveau. »

COMBRATTRE L’ISOLEMENT SOCIAL

Le Dr Feltmate souligne que notre système de santé reconnaît l’importance des visiteurs dans les hôpitaux, puisqu’ils jouent souvent un rôle clé dans l’identification de problèmes subtils qui ne sont parfois pas flagrants pour les personnes qui ne connaissent pas aussi bien un patient. Les membres de la famille jouent aussi le rôle de défenseurs des intérêts des aînés qui souffrent de déficience cognitive, ce qui peut être plus difficile à distance.

Sans affirmer que la vidéoconférence est comparable à la visite sur place, le Dr Feltmate est d’avis que de pouvoir voir le visage d’un être cher aide grandement les patients. « Je pense donc que l’aspect vidéo d’un appel est beaucoup plus efficace pour combattre l’isolement social qu’un simple appel téléphonique, particulièrement chez les nombreux aînés qui ont des difficultés auditives ou qui souffrent de déficience cognitive. Pour eux, une image vaut mille mots. »

Une photo montrant une visite virtuelle
Une photo montrant une visite virtuelle

Bev aime bien recevoir des appels vidéo de chacun de ses enfants depuis que le service est offert. Sa fille Mary-Jo Roy est la dernière à en avoir profité.

« C’est très agréable. J’ai beaucoup aimé pouvoir la voir et qu’on accorde un peu d’intimité pendant l’appel », dit Mary-Jo. « Parler au téléphone la fatigue facilement, donc l’option vidéo est bien plus intéressante pour nous. »

Bien que Bev et les autres patients préféreraient la présence physique de leur famille, tous s’entendent pour dire que cette technologie leur est d’un grand soulagement. De son côté, Janet Crealock souhaite faire en sorte que les visites virtuelles deviennent un outil permanent une fois que la pandémie se sera dissipée.

« Nous avons découvert qu’il serait avantageux d’offrir ce service en tout temps. Les patients dont les familles habitent loin reçoivent maintenant des appels vidéo de leurs proches une fois par semaine. Avant, ils ne les voyaient pas du tout », dit Janet. « Nous sommes très heureux de pouvoir rapprocher les familles. Beaucoup de larmes de joie ont été versées, particulièrement du côté des familles qui habitent loin. »