DE FIL EN AIGUILLE

Quand Marjorie Guindon s’est levée un samedi matin de juin dernier pour répondre aux aboiements de son petit chien, elle croyait éprouver des vertiges. À l’arrivée de son fils, elle était déjà partiellement paralysée. Elle faisait un AVC. Grâce à son travail en réadaptation et à sa détermination, moins de cinq mois plus tard, cette femme de Miramichi est presque complètement remise sur pied.

Marjorie Guindon est une femme sociable qui aime ricaner. Elle est gentille et extravertie, et les amis et la famille sont les piliers au centre de la vie de cette résidente de Miramichi.

Née à Happy Valley-Goose Bay, au Labrador, Marjorie a épousé un membre des Forces armées canadiennes, ce qui l’a amenée à vivre un peu partout au pays, de l’Atlantique au Pacifique en passant par l’Arctique. Professionnellement, elle a travaillé comme gérante d’un magasin à rayons d’équipement militaire CANEX. Récemment retraitée, la femme de 62 ans adore rencontrer des amis au restaurant pour déjeuner ou participer aux activités de son groupe de fabrication de courtepointes. Les membres du groupe se rencontrent les mardis soirs pour discuter des rouages de l’organisation.

Les jeudis soirs, les membres mettent la main à la pâte et cousent ensemble des morceaux de tissus qui formeront de magnifiques courtepointes remises à une œuvre de bienfaisance locale. Le fait de redonner à la collectivité a pris une signification particulière pour Marjorie depuis qu’un AVC l’a prise par surprise plus tôt cette année.

Le 9 juin 2019 était un dimanche tranquille, une journée parfaite pour faire la grasse matinée. C’est ce que Marjorie et son mari, Gilles, avaient prévu faire, mais leur petite chienne de 14 ans n’avait de toute évidence pas reçu ce message. Pixie a réveillé la famille et demandé à sortir dans la cour arrière pour faire ses besoins. Marjorie, à moitié endormie, s’est tirée du lit pour lui venir en aide.

QUELQUE CHOSE NE VA PAS

De retour à l’intérieur, Marjorie s’est sentie étourdie. Elle a dit à Gilles qu’elle ne se sentait pas bien et qu’elle irait s’allonger jusqu’à ce que ça passe. Gilles était inquiet, mais Marjorie lui a assuré que ce n’était pas grand-chose. Toutefois, quelques minutes plus tard, cette dernière a senti que quelque chose ne tournait pas rond.

Marjorie a alors demandé à Gilles de téléphoner à leur fils unique, Christopher, qui habite tout près… au cas où.

« À l’arrivée de Chris, j’étais complètement paralysée du côté gauche. Tout est arrivé tellement vite », se rappelle-t-elle.

Alerté par l’état de sa mère, Chris a immédiatement composé le 911 et une équipe d’Ambulance Nouveau-Brunswick est rapidement arrivée sur les lieux. Marjorie se rappelle s’être demandé comment les ambulanciers allaient pour descendre une femme corpulente comme elle dans l’escalier.

Ces derniers l’ont rassurée en l’installant dans un fauteuil roulant faisant partie d’un système spécial permettant de la déplacer en toute sécurité jusqu’à l’ambulance.

RÉSEAU TÉLÉAVC

À son arrivée à l’Hôpital régional de Miramichi (HRM) du Réseau de santé Horizon, Marjorie a été emmenée illico au Service de neurologie afin d’être mise en contact avec un neurologue par l’entremise du Réseau TéléAVC.

Le Réseau TéléAVC est le fruit d’un partenariat entre les réseaux de santé Horizon et Vitalité, le ministère de la Santé et la Fondation des maladies du cœur. Cette technologie permet aux services d’urgence de la province de communiquer avec des neurologues hors site afin de gagner un temps précieux. Grâce à TéléAVC, lorsqu’une personne arrive au Service d’urgence avec des symptômes d’AVC et qu’il n’y a aucun spécialiste sur place, les résultats du tomodensitogramme peuvent être visualisés instantanément par un neurologue ailleurs dans la province.

Le 9 juin, c’était l’Hôpital régional Dr Everett Chalmers (HRDEC) du Réseau de santé Horizon, à Fredericton, qui assurait le service TéléAVC. Quand Marjorie est arrivée à l’HRM, l’équipe a communiqué avec le Dr Muhammad Shafiq, à Fredericton. Ce dernier a pu voir Marjorie sur un écran, l’examiner et ordonner qu’on lui administre un activateur tissulaire du plasminogène (TPA). Appelé « thrombolyse », ce traitement dissout les caillots sanguins et doit être administré dans les 4,5 heures qui suivent l’apparition des symptômes d’AVC. Plus tôt le médicament est administré, plus il est efficace.

« La thrombolyse est la première étape du processus. Si le caillot est gros et qu’on ne note aucune amélioration, on transfère alors le patient à Saint John dans les plus brefs délais afin d’effectuer une extraction de caillot », explique le Dr Shafiq.

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UN POINT À TEMPS EN VAUT CENT

« Le temps pressait », se remémore Marjorie. « Si mon fils n’avait pas reconnu les symptômes et si je n’étais pas arrivée si rapidement à l’hôpital, l’issue aurait pu être bien plus pire. Je ne ressentais aucune douleur, donc j’aurais pu perdre de précieuses minutes. »

Après la thrombolyse, il a été déterminé que Marjorie devrait être opérée pour extraire complètement le caillot sanguin. Si elle n’a aucun souvenir du trajet en ambulance jusqu’à Saint John, elle se rappelle s’être sentie rassurée durant son séjour à l’hôpital.

« Ciel! Qu’ils ont été bons pour moi quand je suis arrivée à l’hôpital », se rappelle-t-elle. « Je n’ai jamais eu vraiment peur parce que tous les membres du personnel étaient très calmes, me traitaient aux petits oignons et m’expliquaient toutes les démarches au fur et à mesure ».

Peu après son arrivée, un chirurgien a pratiqué une petite incision dans son aine afin de procéder par voie endoscopique pour trouver et extraire le caillot qui se trouvait à la base du côté droit de son cerveau.

Une fois son état stabilisé par l’équipe médicale, Marjorie a été renvoyée par ambulance à l’Unité de soins intensifs de l’HRM afin de se remettre de l’opération. Elle a ensuite reçu un plan de réadaptation de six semaines avec l’ergothérapeute Jeff Savage.

RÉADAPTATION À L’HRM

Ergothérapeute depuis 14 ans, Jeff travaille principalement avec les clients qui ont subi un AVC. Comme Marjorie, bien des patients qu’il voit ont peur de ce que l’avenir leur réserve et s’inquiètent pour leur santé. Jeff a tissé des liens avec chacun de ses clients, veillant à atténuer leurs craintes et les encourageant à penser aux gains qu’ils allaient faire dans leur rétablissement. Les résultats sont bien meilleurs lorsque le client participe activement à ses soins et obtient le soutien d’amis et de membres de la famille, comme ce fut le cas pour Marjorie.

« Dès le départ, elle s’est montrée partante. Elle avait une volonté de participer à fond à sa thérapie », explique Jeff. « Elle effectuait tous les exercices que je lui donnais et elle me faisait savoir comment ça s’était passé. »

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Jeff décrit Marjorie comme gentille et extravertie. « Une femme qui aime rire et qui est très attachée à sa famille », ajoute-t-il. Malgré son attitude positive, les effets de l’AVC l’ont rendue plus labile, c’est-à-dire qu’elle est davantage sujette à des changements d’humeur. Chaque fois que ça lui arrivait, le duo en riait.

« Elle pouvait avoir les larmes aux yeux, puis partir à rire et m’expliquer qu’elle ne pleurait pas vraiment et que c’était seulement un effet de l’AVC », se remémore-t-il. « Dans ces moments-là, je veillais à la rassurer que c’était tout à fait normal. »

VISITES FAMILIALES

Christopher est venu visiter sa mère souvent, en profitant parfois pour l’accompagner à ses rendez-vous de physiothérapie. Même la petite Pixie, qui a peut-être sauvé la vie de sa maîtresse, a pu lui rendre visite.

« Pixie pouvait entrer me voir avec Christopher, puis nous sortions tous les trois faire une promenade », explique-t-elle. « Le personnel était toujours conciliant. »

Aujourd’hui, la vie de Marjorie est sensiblement la même qu’avant son AVC. Elle voit de nouveau ses amis et a recommencé à coudre avec son groupe de fabrication de courtepointes. La seule différence, c’est qu’elle n’est pas tout à fait aussi indépendante qu’elle ne l’était avant l’AVC.

« Je dois me fier à mon entourage, mais je suis très chanceuse d’avoir mes amis, mon fils et mon mari », souligne-t-elle. « Avant, il m’arrivait souvent de passer chercher mes proches en auto, mais maintenant, les rôles sont renversés. »

RETROUVER SON INDÉPENDANCE

Marjorie a dû se résoudre à accepter qu’elle dépendait d’autres personnes pendant quelque temps, sans jamais profiter de leur bonté. Son expérience l’a rendue plus reconnaissante des petites choses de la vie, comme se réveiller le matin pour aller dehors ou encore sortir avec ses amis.

« L’autre jour, j’ai fait des muffins aux bleuets. J’étais fière de moi, car je ne pensais pas pouvoir y arriver si vite toute seule », raconte-t-elle avec le sourire. « Mon mari était enchanté de mes progrès. »

La situation de Marjorie lui a aussi fait apprécier notre système de santé et les gens qui l’ont aidée à se remettre sur pied.

« On ne se rend pas compte à quel point ces gens travaillent fort et mettent du cœur à l’ouvrage tant qu’on ne les voit pas faire », relate-t-elle. « J’en ai visité des hôpitaux d’un bout à l’autre du pays, et jamais je n’ai reçu d’aussi bons soins que ceux que nous avons reçus ici. »

LES SYMPTÔMES A SURVEILLER

Marjorie a un conseil pour quiconque croit présenter soudainement des symptômes d’AVC : appelez le 911 immédiatement.

Parmi les symptômes, on note un engourdissement ou un affaissement d’une partie du visage, d’un bras, d’une jambe ou d’un côté du corps, de la confusion, de la difficulté à parler ou à comprendre, une vision trouble dans un œil ou les deux yeux, de la difficulté à marcher, des étourdissements et une perte de l’équilibre ou de la coordination.

Pour ce qui est du rétablissement, Marjorie croit que les patients ayant subi un AVC doivent faire confiance aux experts, parce qu’ils savent ce qu’ils font.

« Une grande partie du rétablissement se passe à travailler en équipe avec eux », explique-t-elle. « Ils peuvent nous guider et nous donner des conseils, mais c’est à nous de faire le travail. » Selon elle, le Service d’ergothérapie n’est ni plus ni moins qu’un réseau d’encouragement.

Maintenant, ce sont les amis de Marjorie qui assument ce rôle. Ils passent la voir pour prendre un café ou passent la chercher pour la sortir déjeuner au restaurant ou visiter d’autres amis. Bien entendu, Marjorie est de retour à ses travaux de couture, d’autant plus qu’elle sait qu’il s’agit d’une façon pour elle de redonner à la collectivité.

« Nous fabriquons des courtepointes pour les remettre à des œuvres de bienfaisance et nous nous répartissons la tâche avec les carreaux », précise-t-elle. « L’une de mes camarades m’a aidée avec les ciseaux parce que c’était encore un peu difficile pour moi avec mes tremblements. Je ne suis pas au même niveau qu’avant, mais ça va venir. »

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Dans le fond, la vie est comme une courtepointe où les carreaux sont des chapitres tissés les uns aux autres. Chaque expérience, chaque carreau, n’est pas nécessairement source de beauté et de joie, mais au final, lorsqu’on met toutes les pièces ensemble, on obtient une œuvre d’art. L’expérience de Marjorie représente maintenant un carreau dans la courtepointe de sa vie, un chapitre qui l’a rendue plus forte.

Marjorie est plus reconnaissante que jamais de compter sur sa famille, sur ses amis, mais aussi sur les professionnels de la santé qui lui ont sauvé la vie et l’ont aidée à retrouver sa vie d’avant. Elle est récemment passée par le Service de réadaptation de l’HRM pour saluer et remercier le personnel et les infirmières.

« Tout le monde était là et tout le monde était content de me voir », confie-t-elle. « On aurait dit un rassemblement familial. Ça m’a fait chaud au cœur. »